Manon est née le 13 juin 2017 et c’est avec un bonheur immense que nous l’avons accueillie. Nous attendions ce petit amour avec tant d’impatience.
Les premières semaines sont difficiles mais jusque là rien d’anormal. On nous avait prévenus que l’arrivée d’un bébé serait bouleversante, que nous serions fatigués, on nous avait prévenus pour les coliques, les pleurs le soir, mais bon … rapidement nous nous sommes étonnés, son papa et moi, de son absence de contact visuel, de sourires, de ses positions en hyper-extension, de ses pleurs constants, de la difficulté que nous avions à la nourrir, et à ses trois mois, nous avons commencé par demander un premier examen, une fibroscopie.
Manon ne grossissant pas assez et les repas étant un enfer, nous avons pensé qu’un reflux gastro-oesophagien pouvait être à l’origine de toutes ces bizarreries. Mais le résultat de la fibroscopie revient normal. Très bien, mais il y a tout de même quelque chose qui cloche. D’ailleurs cette position en hyper extension qu’elle prend tout le temps, nous interpelle aussi beaucoup. Nous l’avons prise en photo et en la montrant à la pédiatre, cette dernière nous a obtenu un rendez-vous à Trousseau avec le Chef de service de neuro-pédiatrie 5 jours plus tard.
Le neuropédiatre nous parle d’hypotonie, d’hypertonie, de dystonie … des mots qui bientôt n’auront plus de secret pour nous. Une irm est donc programmée 15 jours plus tard et résultat : corps calleux fin et léger retard de myélinisation ; Manon avait 5 mois.
A partir de ce moment, Orphanet devient mon meilleur ami et je me mets à lire tout ce que je peux sur les troubles de développement, j’en viens même à lire des thèses de médecine pour trouver ce dont ma fille peut bien souffrir et surtout s’il existe des traitements pour soigner tous ces symptômes.
Après l’irm, bilan sanguin complet, PEA, PEV, ponction lombaire et électro-encéphalogramme sont programmés. Plusieurs mois d’attente pour avoir tous les résultats : les mois les plus longs de notre vie. Il me semble n’avoir jamais été aussi mal qu’à ce moment-là. Puis les premiers résultats arrivent, Manon a 9 mois : tout est normal. À la fois nous sommes soulagés car énormément de maladies ont été écartées, cependant, notre fille a bel et bien un retard global, elle ne tient pas sa tête, ne rampe pas, a un strabisme, attrape les objets mais avec difficulté. Et ce qui nous trouble et ne nous aide pas, c’est qu’elle ne présente par ailleurs aucune dysmorphie, aucun signe physique de maladie génétique.
En parallèle, dès les 7 mois de Manon, nous commençons les séances de psychomotricité, de kinésithérapie, de rééducation neurovisuel, et de balnéothérapie.
Enfin, aux 10 mois de Manon, l’hôpital nous propose de faire l’ultime test : le séquençage de l’exome. Pour ce test qui passe au peigne fin les 22 500 gènes de notre fille, on nous annonce un délai de 9 mois-1 an d’attente… Son père et moi-même sommes aussi prélevés afin de savoir si l’origine de tout cela est héréditaire ou si elle est de novo (= faute à pas de chance !) . Les retards moteur et cognitif s’accentuent mais Manon progresse et c’est ce qui compte. Maintenant elle nous regarde bien, et surtout, elle sourit sans cesse. Ce regard et ce sourire, c’est ce qui nous fait tenir. Elle se réveille : elle sourit ; on l’appelle : elle nous regarde et sourit ! Et ses boucles blondes ainsi que ses deux petites dents du bonheur nous font littéralement fondre…
Bref, le temps passe et le 16 septembre 2018, Manon a 15 mois et le verdict tombe : « votre fille a une maladie mitochondriale très rare, le problème se situe sur le chromosome 3 et plus précisément sur le gène GFM1 ; une quinzaine de cas dans le monde ont été publiés, 14 sont décédés avant 2 ans, le 15ème on ne sait pas ce qu’il est devenu. Pas d’autonomie, pas de langage, déficience intellectuelle sévère. Par ailleurs vous (père et mère) êtes tous deux porteurs sain de la même anomalie génétique, que vous avez tous deux transmis à votre fille. Cela veut dire que vous aurez 25% de « chance » d’avoir d’autres enfants avec la même pathologie. On vous oriente donc vers l’hôpital Necker, merci, au revoir ».
Fin du voyage pour l’Italie, début du voyage pour la Hollande (cf texte d’ Emily Kingsley ci après).
Cela faisait des mois que je m’attendais à un diagnostic assez mauvais mais pas à ce point. Quoi qu’il en soit, nous savons enfin ce dont notre fille souffre et nous savons contre quoi nous nous battons et pour moi, cela a changé toute la vision que j’avais de ma fille. Je la voyais comme une enfant en retard à tous points de vue et à partir de ce moment, je l’ai vue comme une petite fille qui s’en sortait vachement bien au vu de sa maladie ! Je la vois maintenant comme une petite lionne, comme une petite guerrière, qui se bat pour s’en sortir, progresser ; une petite qui se bat pour pour être avec nous. Une personne qui se bat pour la vie.
Aux grands maux, les grands moyens : on passe à deux séances de kiné par semaine, deux séances de psychomotricité par semaine, on met en place 1 séance d’équithérapie par mois, 1 séance d’éveil musical par mois, et 1 séance par semaine d’orthophonie. Manon a 16 mois. Le rythme n’est pas facile à tenir, d’autant plus que nous déménageons, mais faut le faire ! Heureusement nous avons réussi à trouver de bons compromis avec tous les professionnels de santé qui accompagnent Manon et ses grands-parents s’investissent aussi beaucoup.
Par ailleurs depuis plusieurs semaines, nous sommes en relation avec d’autres parents dont les enfants sont aussi en situation de handicap, merci aux réseaux sociaux ! et c’est comme cela que nous avons pu découvrir d’autres thérapies alternatives telles que la kiné Medek ou l’éducation conductive. Nous avons testé l’EC en février et novembre 2019 et la kiné Medek en avril et juin 2019 : nous sommes revenus enchantés de tous ces stages, c’est pourquoi nous continuerons à en faire autant que possible !
Une autre raison de remercier internet : nous avons trouvé 4 autres mamans qui ont des enfants souffrant de la même maladie que Manon ! Deux en France, dont une que nous avons rencontré en novembre 2019 ; sa petite fille s’appelle Louise, elle a 7 ans et tout comme Manon, elle est entourée d’amour. L’autre maman française n’a malheureusement pas voulu échanger avec nous; et il y a ces deux autres mamans en Espagne, l’une vit à Séville, elle a deux garçons de 13 et 15 ans porteurs tous deux du GFM1, et l’autre vit à Barcelone et elle a une fille de 11 ans, pour qui elle a créé une Fondation, la Fondation Mencia. Cette Fondation œuvre pour trouver des médicaments et développer la thérapie génique dans le but de soigner les maladies rares en général mais aussi pour trouver un moyen de guérir nos enfants de cette maladie infecte qui a bouleversé nos vies.
Aujourd’hui Manon a 4 ans et demi, elle rayonne et nous l’aimons jusqu’au bout des étoiles.
Bienvenue en Hollande ! ( Texte d’Emily Perl Kingsley, 1987)
On me demande souvent de décrire ce que représente l’éducation d’un enfant vivant avec une incapacité, de manière à ce que les gens qui n’ont pas vécu cette expérience puissent la comprendre et imaginer ce qu’elle représente. Ça ressemble un peu à ce qui suit :
Attendre un enfant, c’est comme planifier un fabuleux voyage… en Italie. Vous achetez un grand nombre de guides de voyage et vous faites de merveilleux plans : le Colisée, le David de Michel-Ange, les gondoles à Venise. Vous apprenez quelques phrases utiles en italien. Tout cela est très excitant! Enfin, après des mois de préparation fébrile, le grand jour arrive. Vous faites vos bagages et vous partez. Plusieurs heures plus tard, l’avion atterrit et le commandant de bord annonce « Bienvenue en Hollande »
« En Hollande ? », dites-vous. « Que voulez-vous dire par Hollande ? J’ai pris un billet pour l’Italie. Je suis censé être en Italie. Toute ma vie, j’ai rêvé d’aller en Italie ». Mais il y a eu un changement dans le plan de vol. Vous avez atterri en Hollande et c’est là que vous devez rester. Ils ne vous ont cependant pas emmené dans un endroit horrible, dégoûtant, sale, où il y a la peste, la famine et des maladies. Ce n’est qu’un endroit différent.
Vous devez donc sortir de l’avion et vous procurer de nouveaux guides de voyage. Vous devez apprendre une nouvelle langue. Vous ferez la connaissance de tout un groupe de nouvelles personnes que vous n’auriez jamais rencontrées autrement.
C’est seulement un endroit différent. C’est un rythme plus lent qu’en Italie, moins exubérant aussi. Quelque temps après être arrivé et avoir repris votre souffle, vous regardez autour et vous commencez à remarquer que la Hollande possède des moulins à vent, que la Hollande a des tulipes, que la Hollande a même des Rembrandt !
Mais tous ceux que vous connaissez vont en Italie ou en reviennent et ils ne cessent de répéter qu’ils ont fait un merveilleux voyage. Pendant toute votre vie, vous vous direz : « Oui, c’est là que je devais aller; c’est ce que j’avais planifié.»
Cette douleur ne s’en ira jamais, jamais, parce que la perte de ce rêve est une perte très significative. Mais si vous passez votre vie à déplorer de ne pas avoir atterri en Italie, vous pourriez ne jamais être en mesure d’apprécier les choses très spéciales et très jolies de la Hollande Attendre un enfant, c’est comme planifier un fabuleux voyage… en Italie. Vous achetez un grand nombre de guides de voyage et vous faites de merveilleux plans : le Colisée, le David de Michel-Ange, les gondoles à Venise. Vous apprenez quelques phrases utiles en italien. Tout cela est très excitant! Enfin, après des mois de préparation fébrile, le grand jour arrive. Vous faites vos bagages et vous partez. Plusieurs heures plus tard, l’avion atterrit et le commandant de bord annonce « Bienvenue en Hollande » « En Hollande ? », dites-vous. « Que voulez-vous dire par Hollande ? J’ai pris un billet pour l’Italie. Je suis censé être en Italie. Toute ma vie, j’ai rêvé d’aller en Italie ». Mais il y a eu un changement dans le plan de vol. Vous avez atterri en Hollande et c’est là que vous devez rester. Ils ne vous ont cependant pas emmené dans un endroit horrible, dégoûtant, sale, où il y a la peste, la famine et des maladies. Ce n’est qu’un endroit différent.Vous devez donc sortir de l’avion et vous procurer de nouveaux guides de voyage. Vous devez apprendre une nouvelle langue. Vous ferez la connaissance de tout un groupe de nouvelles personnes que vous n’auriez jamais rencontrées autrement. C’est seulement un endroit différent. C’est un rythme plus lent qu’en Italie, moins exubérant aussi. Quelque temps après être arrivé et avoir repris votre souffle, vous regardez autour et vous commencez à remarquer que la Hollande possède des moulins à vent, que la Hollande a des tulipes, que la Hollande a même des Rembrandt ! Mais tous ceux que vous connaissez vont en Italie ou en reviennent et ils ne cessent de répéter qu’ils ont fait un merveilleux voyage. Pendant toute votre vie, vous vous direz : « Oui, c’est là que je devais aller; c’est ce que j’avais planifié.» Cette douleur ne s’en ira jamais, jamais, parce que la perte de ce rêve est une perte très significative. Mais si vous passez votre vie à déplorer de ne pas avoir atterri en Italie, vous pourriez ne jamais être en mesure d’apprécier les choses très spéciales et très jolies de la Hollande.